Le triangle Bourg-en-Bresse, St-Claude, Lajoux , avec des sauts à Lyon, en Espagne et dans le midi à L’Escalet va constituer la base de mon adolescence; mon père m’a repris en mains après les épisodes Sanclaudiens; l’installation à Attignat, à l’école primaire du village, à la campagne, avec ma belle-mère, institutrice et mes demi-soeurs, est à la fois une rupture et une continuité dans l’inconfort, l’éducation républicaine et religieuse, la domination du père; j’avais chaque jour la pression de celui-ci, alors qu’avant c’était une fois toutes les semaines; entre le lycée, le jardin, les travaux divers et variés, il n’était pas question de repos; les livres d’histoire, de contes et légendes me permettaient de m’échapper à l’ordre établi; la présence du père était constante , même lorsqu’il était absent; le lever à l’aurore, y compris le dimanche aux sons de musiques militaires, le plus souvent des champs guerriers des soldats de la garde de Napoléon, les fameux grognards, la journée à faire du jardin, à désherber, à planter, semer, retourner la terre, défricher, couper, ramasser, nettoyer, le soir à faire les devoirs et puis à se coucher au froid avec des édredons et bouillottes l’hiver; on appellerait aujourd’hui ces conditions de la précarité énergétique; le poids du père se traduisait par des comportements de dureté, de violences parfois envers moi,mais aussi envers tous ses proches; les professeurs, les curés, les autres hommes étaient sur la même longueur d’onde; parfois des voisins, membres de la famille , des femmes , des amis semblaient différents, plus doux, plus tendres; j’ai dû me forger une carapace pendant ces 7 années, mais j’avais un modèle familial tout désigné; j’étais programmé, père de famille; travail, responsabilité, une famille, des enfants, ; pour le travail, mon père me récompensait « tout travail mérite salaire »; le soir après une ou deux journées de labeur, je retrouvais de l’argent sous mon assiette; comme je n’avais pas de très bonnes notes au lycée, mes récompenses « en espèces sonnantes et trébuchantes » ne tenaient qu’à un travail manuel; mon père a toujours embauché des femmes de ménage; en dehors d’Alice, ma nourrice, je me rappelle de Solange; je devais plus tard m’occuper de ses problèmes de stérilité; et sa fille Alexandra est née à Besançon d’une césarienne un 14 avril ; mon père est le parrain de cette fille ; » le droit de cuissage « faisait partie de ses prérogatives et je n’ai pas de preuves formelles de ses applications à la maison, que des rumeurs ou des soupçons; mon père travaillait beaucoup, de 5 heures à 19 heures et il ne supportait pas les loisirs et la fainéantise; hors de question de grasses matinées et d’heures inutiles; « Ne remets jamais au lendemain ce que tu peux faire la veille »; nous dépassions largement les heures pour terminer un travail commencé le matin; il fallait finir , il fallait être efficace; le travail terminé, , correctement fini rendait mon père heureux, plus que l’amour d’une femme ou d’une épouse; pas de sentiments à la maison; du temps perdu, l’amour platonique; l’amour charnel, la puissance virile, le travail éjaculatoire était réservé au » coq »; l’imprégnation testostérone de la société était normal; les héros, les guerriers, les grands sportifs, il préférait le rugby au foot-ball, plus viril avec ses bagarres d’avant, les sports de luttes , de combats représentaient l’homme; Spartacus, les gladiateurs, Rome , Alexandre le Grand, étaient des exemples. Mon père a eu 7 enfants avec 3 femmes différentes dont 2 mariages; il aimait le principe de la tribu,lui en étant le géniteur, le concepteur, le chef, le patriarche; il a gardé sa chevelure argenté jusqu’à sa mort; mon père était séduisant, beau, je pense, séducteur, mais pas gentil vraiment; généreux, aimant la bonne cuisine, le bon vin; gros fumeur, cigarettes, gauloises, gitanes-maïs, cigares, apéritifs, digestifs, il a su s’arrêter, d’abord de fumer, puis être sobre à la fin de sa vie; malgré des pathologies sévères, prothèse de hanche, prostatectomie, insuffisance cardiaque il a tenu presque 18 ans sans problèmes avec des opérations, traitements et une pile; il est décédé brutalement d’un arrêt cardiaque dans son jardin à 88 ans (il était né le 1er mars 1919); il n’aurait jamais supporté une maison de retraite; que retenir de mon père, une grande intelligence au service des autres, une générosité, un bon vivant, une résistance hors du commun, un sens inné de la vie, une résilience aux épreuves matérielles, une méconnaissance totale de la féminité reléguée au rang des accessoires, de la jouissance des mâles, de la servitude, de la reproduction, mais il pouvait être gentil de façon exceptionnel; le fait d’être né d’une mère à l’ancienne et en plus dernier de 4 enfants de parents âgés ( ma grand-mère Irma a eu mon père à 41 ans), son mariage précoce à 19 ans, ses conquêtes faciles, ses études (Bac à 18 ans), son service militaire à Saumur (cavalier émérite), la guerre de 1940, ses rapports aux femmes étaient programmés; l’homme domine comme dans les livres, la Bible, le Coran, l’Ancien et le Nouveau Testament; il obéissait à l’ordre patriarcal sans se douter qu’il était formaté, manipulé; je pense qu’il ne s’est jamais posé la question; malgré une retraite facile matériellement, mais plus difficile psychologiquement; « Un monde qui foutait le camp », qui ne ressemblait pas au sien; les femmes , en particulier, ses 5 filles, ses gendres plus féminisés, les loisirs, divertissements, les vacances, ce n’était plus son truc; il votera FN à la fin de sa vie; le monde testostérone familial avait changé, mais il n’ a pas perçu l’adaptation du patriarcat au monde de la finance et du retour du religieux; je pense qu’il n’aurait pas compris; lui; un père exemplaire, dernier maillon de la loi des pères.BF.